Le groupe France Insoumise de l’Assemblée nationale (sans Jean-Hugues Ratenon, mais avec M’jid El Guerrab) a déposé la proposition de loi « visant à faire de l’assistance médicale à la procréation un droit universel » le 21 novembre 2018[1]. Étant l’auteur de la quasi-totalité des éléments textuels qui ont servi à rédiger les articles, même si je n’ai pas arbitré les choix qui ont mené à la rédaction finale, j’ai jugé utile de commenter ici cette proposition de loi et d’expliquer mes choix rédactionnels.
L’ouverture de la PMA
Tout d’abord, pour écrire un texte ouvrant universellement la PMA, je me trouvais face à plusieurs défis :
- la réglementation actuelle sur la PMA, qui mentionne trois fois « l’homme et la femme » en dix articles[2], mais trente-trois fois « couples » dans le même temps (l’ouverture aux couples de femmes semblait de prime abord nettement plus aisée qu’aux célibataires) ;
- une loi J21[3] qui a admis explicitement qu’on pouvait faire changer la mention de son sexe à l’état civil sans stérilisation, qu’on peut donc être un homme avec un utérus fonctionnel, sans en prévoir les conséquences sur la filiation et l’accès à la PMA ;
- un droit de la filiation hésitant entre volonté, fait social et données biologiques, distinguant entre femmes et hommes, et entre hommes mariés ou non.
J’ai voulu montrer qu’il est possible de surmonter simplement tous ces obstacles.
Simplement, parce que sachant bien que le groupe LFI n’a pas la majorité à l’Assemblée nationale, et que la majorité en place a tendance à rejeter systématiquement toutes ses propositions, il fallait faire un texte qui tenait certes techniquement la route (montrant que c’était possible et concret), mais qui avant tout donnait un cap politique.
Pour cela, j’ai pris les principaux articles de la loi belge du 6 juillet 2007[4] et je les ai adaptés aux codes français (articles 1 à 8 de la proposition). Une loi de Belgique, donc : pas de Cuba ou de la Corée du Nord, mais de nos voisins, déjà écrite en français et qui fonctionne. Rien d’échevelé ni d’extravagant.
Cela présente l’inconvénient de reprendre les mêmes limitations arbitraires (sur l’âge par exemple – mais qui peuvent toujours être revues), tout en gagnant l’admirable formulation de la loi belge : au lieu d’être soumis à condition, la PMA y est définie comme un droit. Et donc le problème de la prise en charge par la Sécurité sociale n’en est plus un : en tant que droit universel il ne peut être opéré de distinction entre les bénéficiaires.
La seule modification significative que j’ai apportée par rapport au texte belge concerne l’ouverture de la PMA aux hommes trans. Là où la loi belge limitait la PMA aux femmes, le texte de la proposition l’ouvre à toute personne majeure. Mais ici encore, l’admirable rédaction du texte belge signifie qu’il suffit de ne changer que très peu de choses pour le rendre possible (avis au législateur belge !).
Ainsi, ce qu’il est important de retenir des huit premiers articles est que le législateur français serait bien inspiré de regarder du côté de la Belgique et de son expérience.
La filiation
Je passe rapidement sur les articles 9 et 10 concernant l’accès éventuel à l’identité du donneur : ils reprennent la proposition de mon livre d’un mécanisme de « double guichet ». J’en avais formulé d’autres depuis, mais la proposition d’un double guichet est un arbitrage de compromis, qui permet de laisser le débat ouvert.
Actuellement, concernant la filiation, la loi dit que « les époux ou concubins qui recourent à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, prévue à l’article 311-20 du Code civil, y consentent par déclaration conjointe devant le président du tribunal de grande instance de leur choix ou son délégué, ou devant notaire[5] ». La loi belge (reprise dans la proposition de loi) est un peu différente, elle ne parle pas de consentement donné devant un juge ou un notaire, mais de convention. Le principe est toutefois très similaire.
Si ce n’est pas ce consentement (ni la convention disposée par la loi belge) qui fonde la filiation, il peut servir toutefois en cas de contentieux. La filiation d’un enfant procréé par l’intervention d’un tiers donneur est établie comme pour tous les autres enfants : la femme qui accouche est la mère et, pour le père, cela dépend si le compagnon de la mère est son époux ou non : présomption de paternité le cas échéant, reconnaissance de paternité dans le cas contraire (même si concrètement les pères voient rarement la différence, celle-ci n’est pas anodine : un mode d’établissement de la filiation dépendant du couple fait qu’on ne peut penser l’établissement de la filiation en dehors du couple).
Je l’ai déjà dit dans un autre billet (Les trois grands types de réforme possibles), il y a trois grandes façons d’envisager une réforme de la filiation (je mets de côté l’attitude qui consisterait à ne rien faire, c’est-à-dire à laisser perdurer l’adoption de l’enfant du conjoint comme « solution ») :
- le modèle belge : on ne s’interroge pas sur la pertinence qu’il y ait à laisser perdurer une distinction entre pères mariés ou non mariés (à l’heure où 60 % des enfants naissent hors mariage[6], donc dont la filiation paternelle est établie par reconnaissance), ni aucune autre interrogation sur la pertinence de notre modèle actuel et de son adéquation aux familles. Ainsi, on étend simplement la présomption de paternité et la reconnaissance aux couples de femmes.
- le modèle catalan : dans ce modèle aussi on ne remet rien en question (ou, au moins, surtout pas la filiation de la majorité) parce que l’on considère qu’une naissance suite à une PMA hétérologue (avec don) nécessite une filiation distincte. Irène Théry et Anne-Marie Leroyer ont défendu un mode d’établissement de la filiation selon ce schéma, et c’est aussi un des modes envisagés par le Conseil d’État.
- le modèle volontariste : je l’ai dit ailleurs[7], en utilisant un vieux terme de doctrine juridique, il faut « spiritualiser » le regard que l’État porte sur les individus, c’est-à-dire que l’état civil doit accueillir une plus grande part de volonté individuelle dans sa définition, avant d’être le constat des corps. Dans le domaine de la filiation, ça doit se traduire par la généralisation de la reconnaissance, un mode d’établissement de la filiation qui est déjà indépendant du genre des parents et de leur situation matrimoniale. Ce qui permettrait de donner une assise juridique à la pluriparentalité et à la transparentalité (justement prévue par cette proposition de loi).
Comment la proposition de loi du groupe France Insoumise se positionne-t-elle dans ces trois modèles ? En l’apparence elle reprend (article 11) ma proposition d’assimiler la convention (droit belge) ou le consentement (droit français) à une reconnaissance. On serait donc tenté d’y voir une application du modèle volontariste.
Or, dans ce cas, un couple marié ayant recours à la PMA reconnaitrait l’enfant qui en est issu, alors que le couple marié n’ayant pas eu recours à la PMA utiliserait la présomption de paternité : on est donc alors dans un mode d’établissement distinct pour les personnes ayant eu recours à la PMA, ce qui relève du modèle catalan. Alors que l’objectif de dire que le consentement (ou la convention) emportait la reconnaissance était justement de ne pas faire de mode d’établissement distinct.
C’est pour cela que ma proposition se plaçait dans un ensemble plus vaste de généralisation de la reconnaissance (mode individuel d’établissement de la filiation) où l’on proposait de supprimer la présomption de paternité[8], pour qu’il n’y ait plus de mode d’établissement de la filiation dépendant du statut matrimonial. Ce qui permettait de penser la filiation en dehors du couple (pluriparentalité) et ne créait plus de distinction lors d’une PMA.
Je pense à ce sujet qu’à ne vouloir traiter que de l’établissement de la filiation par PMA (sans réforme plus large), on ne puisse pas écrire une proposition vraiment bonne : elle soutiendra fatalement soit une distinction surannée (selon que les parents sont mariés ou non), soit une distinction entre les modes de procréation.
L’article 12 amène une restriction supplémentaire : les personnes ayant accouché n’auraient pas à reconnaitre l’enfant. C’est presque la législation actuelle et c’est un peu contradictoire avec l’article précédent. Toutefois, je l’ai rédigé de manière nouvelle : dans la formulation actuelle de l’article 311-25 du Code civil[9], l’accouchement fait la mère. Dans cette nouvelle rédaction, l’accouchement fait le parent (modification à minima qui aurait dû être faite lors de la loi J21).
En somme, sur le plan de la filiation, le groupe FI s’est arrêté au milieu du gué, même si la voie prise est la bonne. Espérons que le groupe aura l’occasion de franchir le chemin restant et de ne pas rester au milieu du courant, pour proposer une réforme de la filiation qui puisse protéger toutes les familles.
C’est bien beau tout cela, mais cela ne résoudra pas le problème de surpopulation en France et dans le monde. Car la surpopulation est une réalité et elle est l’origine de tous les maux : pollution, gaz à effets de serre, destruction de la bio diversité, etcétéra… Enseignez aux autres les conséquences de vouloir à tous prix des enfants en ne pensant qu’à soi même, à son envie personnelle… Il faut voir plus loin que soi même, plus large que son propre couple et se rendre compte des conséquences que cela favorise. Cela dit je ne suis pas contre cette proposition de loi, mais un enseignement judicieux des conséquences devrait être donné à tous y compris ceux qui n’ont pas besoin de passer par une assistance médicale pour avoir des enfants.
Bonjour,
J’espère que vous-même, par souci de cohérence, et parce que charité bien ordonnée commence par soi-même, vous avez subi une vasectomie et vous la recommandez autour de vous.
Parce que, bizarrement, on n’entend jamais autant le sujet de la surpopulation que lorsque l’on évoque celui de l’homoparentalité et de la transparentalité.